Rosalie n’est pas fainéante : Plaidoyer pour la reconnaissance du travail invisible des femmes au foyer

Rosalie n’est pas fainéante : Plaidoyer pour la reconnaissance du travail invisible des femmes au foyer

Au Bénin, des milliers de femmes assurent chaque jour, dans l’ombre, le fonctionnement vital des foyers. Lavandières, éducatrices,cuisinières, gardes malades, médecins, coursières, nourrices, accompagnantes, etc., elle incarnent l’économie des soins domestiques. Un secteur essentiel mais ignoré des reformes sociales. Invisibles dans les politiques publiques, exposées à la précarité et traitées de sans travail, ces travailleuses méritent reconnaissance, protection et dignité. A travers le témoignage de Rosalie, femme au foyer, se dessine l’urgence de reconnaître le soin comme un travail et des femmes qui le portent comme des professionnelles à part entière.

Il est 14h, ce samedi 18 octobre 2025. Le soleil est au zénith, la chaleur s’installe, et Rosalie, mère de cinq (5) enfants, est penchée sur son foyer à charbon. Elle tente d’allumer le feu pour préparer le déjeuner. À son bras, un cathéter encore fixé témoigne de son état de santé fragile. Elle revient tout juste d’une consultation, mais n’a pas eu le temps de se reposer. Les enfants ont faim, la maison réclame son attention, et le repas doit être prêt. Désiré, son mari, rentre plus tôt que prévu. Il entre dans la cour, observe la marmite encore vide, et s’emporte. «Tu n’as rien fait depuis ce matin. Pourquoi c’est maintenant que tu fais le feu? Tu veux me dire que le déjeuner n’est pas prêt à 14h? Non mais quelle est cette pagaille, Rosalie ?» crie Désiré d’un ton révoltant.

Rosalie ne répond pas tout de suite. Elle ravive les braises, les yeux embués. Elle sait que dans cette maison, son travail ne se voit pas. Il ne se mesure pas. Il ne se paie pas. Mais il est là, dans chaque geste, chaque soin, chaque silence.Désiré, dit-elle enfin, «j’ai fait tout ce que tu ne vois pas. J’ai lavé les enfants, nettoyé la cour, rangé les affaires, calmé les cris, et maintenant je fais le feu. Avec ce cathéter au bras, je suis debout. Est-ce cela, être fainéante, est-ce de la pagaille »?

Ce dialogue, banal dans bien des foyers, révèle une injustice profonde, celle du travail invisible des femmes au foyer. Ce travail, non rémunéré, non reconnu, est pourtant essentiel à la vie familiale, sociale et économique. Il constitue ce que les spécialistes appellent l’« économie du soin » une économie silencieuse, fondée sur l’attention, la disponibilité, la gestion du quotidien, le soin des autres.

Rosalie n’est pas fainéante. Elle est indispensable. Et elle mérite que son travail soit vu, nommé, valorisé.

Les femmes comme Rosalie sont les piliers de cette économie. Elles assurent la logistique domestique, l’éducation des enfants, le soutien émotionnel, la santé de la famille, souvent sans aide, sans répit, sans reconnaissance. Elles sont les premières levées, les dernières couchées. Elles sont les gardiennes du foyer, les infirmières improvisées, les éducatrices, les cuisinières, les médiatrices. Et pourtant, elles sont trop souvent réduites à des jugements blessants, à des reproches, à des silences.Désiré, comme beaucoup d’hommes, n’a jamais appris à mesurer ce travail. Il le considère comme naturel, comme allant de soi.

Ce plaidoyer est pour Rosalie, et pour toutes celles qui, comme elle, travaillent sans contrat, sans salaire, sans pause. Il est temps de la reconnaissance, de la redistribution et de la prise en charge sociale et mentale du travail domestique, invisible mais pourtant socle de la société et de l’économie. La protection sociale et la dignité doivent être garanties à tous les fournisseurs de soins familiaux non rémunérés.

A.J

Assiba MITONHOUN

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