L’épidémie de mpox en Afrique : Devons-nous nous attendre à une crise sanitaire majeure?Dr Pierre M’PELE, Champion de la Santé de l’OMS 75 : « Nous pouvons rapidement contrôler l’épidémie de mpox à condition de ne pas répéter les erreurs des précédentes épidémies notamment celle de la Covid-19 ».

L’épidémie de mpox en Afrique : Devons-nous nous attendre à une crise sanitaire majeure?Dr Pierre M’PELE, Champion de la Santé de l’OMS 75 : « Nous pouvons rapidement contrôler l’épidémie de mpox à condition de ne pas répéter les erreurs des précédentes épidémies notamment celle de la Covid-19 ».

Dans ce troisième entretien accordé à la rédaction de votre web média ‘’Eclat ’’, le Dr Pierre M’PELE, quinze (15) jours après la déclaration de l’urgence de santé publique de portée internationale par l’OMS), explique les mesures à prendre pour contrôler l’épidémie de mpox, sur son évolution probable dans les semaines et mois à venir et de la nécessité d’une coopération entre les pays africains pour une réponse collective et coordonnée face à cette épidémie.

Eclat Média (EM) – Quels conseils aux gouvernements africains face à cette épidémie ?

Dr Pierre M’PELE – Il parait toujours plus aisé de faire des recommandations quand on n’est loin des acteurs gouvernementaux et surtout des leaders politiques. Avec humilité, je dirais que la riposte dans les pays africains, tout en tenant compte de la situation actuelle de l’épidémie, pourrait se focaliser sur les quatre (4) stratégies suivantes qui me paraissent prioritaires. (1) Activation du cadre de préparation réglementaire notamment les exigences juridiques pour l’importation de vaccins et l’autorisation réglementaire pour leur utilisation, le respect des procédures nationales pour la mise à disposition des vaccins selon les recommandations des Groupes Techniques Nationaux Consultatifs sur la Vaccination. Ces groupes techniques se chargent également de mettre en place la stratégie de collecte et de notification des données relatives à la vaccination, la surveillance de l’impact du vaccin et d’évaluer le processus global de mise en œuvre de la vaccination. (2) Redynamisation de la surveillance épidémiologique et le dépistage précoce de l’infection à mpox dans les groupes les plus vulnérables et à risque qui contractent le virus par voie interhumaine sexuelle (Hommes ayant des rapports sexuels avec de multiples partenaires masculins) et la transmission par contact hétérosexuel et non-sexuel, les deux modalités les plus importantes en Afrique. La sous-notification probable du nombre de cas réel est souvent liée à la faiblesse de la surveillance épidémiologique et à l’insuffisance du dispositif de dépistage qui impactent la riposte au niveau pays. (3) Mise en place de campagne nationale de communication et de prévention intégrées. Au-delà des mesures classiques de prévention (isolement des personnes atteintes, recherche des cas contacts, etc.), la mise en œuvre des autres mesures avec un bon rapport coût/efficacité est à promouvoir notamment à l’attention du grand public (ex : sensibilisation en milieu scolaire, dans les familles et communautés) couplées à la lutte contre la stigmatisation.Il est important de préciser ici que la transmission entre humains en Afrique intervient le plus souvent “par contact direct » avec les lésions cutanées ou les muqueuses d’une personne malade et ou par les gouttelettes de salive et postillons lors des éternuements et à moindre mesure par « contact indirect » intrafamilial du malade (literie, vêtements, vaisselle, linge de bain…) et ou au contact des animaux (rongeurs, singes) infectés. Il faut cependant attirer l’attention sur le chevauchement possible du VIH avec le mpox. L’Organisation Mondiale de la Santé avait déjà signalé que parmi les personnes confirmées atteintes du mpox, un nombre élevé (environ 52%) étaient des personnes vivant avec le VIH et la maladie mpox était plus grave chez les co-infectés. (4) Renforcement de la prise en charge, malgré l’absence à ce jour de traitement efficace contre ce virus avec une meilleure articulation entre les structures de soins nécessaire pour une riposte efficace. Cette stratégie doit être coordonnée par un groupe technique national multidisciplinaire qui valide et adapte les protocoles pour la prise en charge médicale symptomatique et des éventuelles complications. Ce groupe technique coordonne également le programme de formation des professionnels de la santé et des agents de santé communautaire impliqués dans la prise en charge.Ces quatre stratégies sont bien connues des pays parce qu’elles font partie des plans de préparation et réponse aux épidémies. Il s’agit de les adapter et de les renforcer dans la situation de l’épidémie de mpox sans attendre la notification des cas. Car, la bonne préparation est la clé d’une réponse efficace. Benjamin Franklin, le père fondateur des Etats Unies d’Amérique, disait « En ne vous préparant pas, vous vous préparez à l’échec ».

EM – Comment va évoluer cette épidémie en Afrique ?

Dr Pierre M’PELE – Je ne lis pas dans la boule de cristal mais j’analyse les éléments scientifiques, aujourd’hui à notre disposition : de l’analyse (a) des ripostes en cours dans les pays africains déjà touchés par l’épidémie, (b) de la situation épidémiologique actuelle, (c) de l’histoire du virus et de la maladie à mpox, nous pouvons dire qu’il est possible de rapidement contrôler l’épidémie parce que nous savons ce qu’il faut faire. Alors, malgré l’augmentation rapide des cas des prochains jours et semaines dans certains pays d’Afrique, nous devons tenir à gérer cette épidémie en toute sérénité et responsabilité et à condition (i) de ne pas répéter les erreurs des précédentes épidémies notamment celle de la Covid-19, (ii) de combattre la stigmatisation, et de (iii) fonder la riposte sur l’évidence scientifique. Alors, comme vous attendez mon « pronostic », Je me jette à l’eau et je vous dis ‘entre nous’ que nous n’aurons pas une épidémie massive et que dans onze mois ou moins , l’OMS va lever l’urgence de santé publique de portée internationale comme ce fût le cas de la précédente déclaration, il y a moins de deux ans (sourire). L’action c’est maintenant si nous voulons que cette prévision se confirme.

EM – Quelle collaboration entre les pays africains aujourd’hui et demain ?

Dr Pierre M’PELE – La collaboration entre les pays africains est une urgence et une nécessité politique dans le cadre de la riposte sous régionale et continentale bien sûr coordonnée par le Centre de Contrôle des Maladies de l’Union Africaine. L’urgence aujourd’hui se trouve en Afrique centrale, en République Démocratique du Congo « épicentre de l’épidémie » et où d’ailleurs le virus a été découvert en 1970 et dans les neufs pays frontaliers de ce pays (République Centrafricaine, Soudan du Sud, Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie, Zambie, Angola et République du Congo). Une mobilisation politique doit se mettre en place pour soutenir une collaboration technique notamment au niveau des frontières. En Afrique de l’Ouest, la coopération pour la riposte sous régionale doit se faire autour du Nigéria et l’Organisation Ouest africaine de la santé se doit de mobiliser les gouvernements et de coordonner l’action collective sous régionale contre ce virus. Si la coopération entre les pays africains est indispensable, il est également souhaité que la coopération internationale (les coopérations bilatérales et multilatérales notamment les agences des Nations Unies) se coalise au sein d’une initiative globale pour faciliter le soutien multiforme aux pays africains qui manquent le plus souvent des moyens pour faire face aux grands défis de santé. Il s’agit d’éviter la concurrence sur le terrain qui déstabilise l’action au niveau des pays. Il s’agit de solidarité entre les nations et entre les peuples pour la santé globale.

Assiba MITONHOUN

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